SOUTERRAINS & VESTIGES (b-version)

Accueil du site > Lieux > Ailleurs ... > La guerre souterraine hors de France
  • Rechercher
    • Zoom
    • Infos
    • Dernière modification :
      Le samedi 5 septembre 2009
    • Statistiques contenus :
      Articles : 51 - Brèves : 3
    • Statistiques des visites :
      Aujourd'hui : 0 - Total : 80059
    • Site optimisé pour Firefox
      Affichage >= 1024x768
    • Mentions légales
    • Article

    La guerre souterraine hors de France

    {id_article}

    mardi 6 janvier 2009, par Eric L.

    Sur le front français, la guerre souterraine a été conduite en de nombreux endroits, d’Armentières au Vieil-armand, en passant par les plaines de la Somme, de Champagne ou encore sous la profonde forêt d’Argonne.
    Qu’en est-il de cette guerre invisible, hors de nos frontières ? Cet article à pour objectif de faire un rapide panorama des actions de mine hors de France.

    2Les Flandres2

    La logique veut que nous commencions ce panorama par la Belgique, où les lignes de tranchées, continuité de celles sur le sol français, balafrent la plaine des Flandres jusqu’à la mer du Nord.
    Sur ce front, les troupes du Commonwealth et les Allemands se font face. Les Français ont occupé le terrain durant les premiers mois de la guerre, puis l’ont très vite laissé aux anglais.
    Très schématiquement, le front Belge sera occupé comme suit : armée Belge au nord de Ypres, 2nde armée britannique du général Plumer jusqu’à la frontière française.
    Du nord au sud, les principales actions souterraines ont eu lieu : à Zilllebecke, Saint-Eloi et Messines.

    En Belgique, le creusement des galeries se fait dans l’argile ou le sable argileux suivant la profondeur. Les anglais vont, dès le début, prendre l’avantage grâce à une technique de creusement astucieuse, héritée des ouvriers civils londoniens : le « clay-kicking ». Celle-ci consiste à creuser l’argile, non au pic comme le font les pionniers allemands, mais à la pelle : l’ouvrier étant assis sur une sorte de siège dont le dossier est constitué d’une planche posée en biais entre le sol de la galerie et les étais du ciel. Il peut ainsi manier la pelle et détacher des blocs d’argile en s’aidant de ses pieds, un peu comme on bêche un jardin.

    Avec un peu de retard par rapport aux allemands qui prendront l’offensive en matière de mines dès décembre 1914, les anglais vont rapidement riposter en mettant en place les premières "Tunnelling companies" dès février 1915. Dans la foulée, les premiers travaux souterrains anglais ont été entrepris à Hill 60, une butte artificielle datant de la fin du XIXe siècle et constituée des déblais de la tranchée de la ligne de chemin de fer reliant Ypres à Courtrai. Là, jusqu’en 1917, tunnellers et pionniers allemands vont se livrer une guerre souterraine sans merci.

    Le paroxysme en matière de guerre de mines dans les Flandres se situe à Messines. La "big idea" du major Norton-Griffith, alors responsable de la formation des « tunneling companies », consistait à faire jouer simultanément 25 mines sous les lignes allemandes entre Hill 60 et Messines.
    Pour mener à bien cette opération, d’une envergure jusque là inégalée, pas moins de 25 galeries, dont la plus longue mesure près de 700 mètres, furent creusées dans l’argile par les anglais, les australiens, mais aussi par les canadiens.
    25 mois après que la "big idea" ait germée dans la tête de Norton-Griffith, le 07 juin 1917 au matin, le cataclysme est déclenché par les officiers britanniques. Les explosions de plus de 430 tonnes d’explosifs s’enchainent quasi-simultanément. La légende veut que Lloyd Georges, à Londres, fut réveillé par le bruit de l’explosion.

    [|
    Les mines de Messines (carte E.L.)|]

    19 des 25 mines ont finalement joué. Les autres ayant été soit détruites par les contre-mines allemandes, soit non mises à feu pour des raisons tactiques. En 1955, lors d’un violent orage, la mine à l’est du bois de Ploegsteert, fit feu, prouvant ainsi que même après 40 années immergé dans l’eau, l’ammonal et le système de mise à feu restaient fonctionnels !
    Les dernières mines, encore chargées, se trouvent toujours quelque part dans le secteur de Ploegsteert ...

    Pour une approche détaillé de la guerre souterraine, le lecteur curieux pourra consulter les ouvrages de référence Tunnellers, Beneath Flanders Fields ou encore le magnifique War underground : The tunnellers of the great war (voir la page consacrée aux références bibliographiques).

    2Le front austro-italien2

    Le 23 mai 1915 les italiens déclarent la guerre à l’empire austro-hongrois après s’être retiré de la triple alliance. Ce revirement de situation, hautement stratégique, permettra en cas de victoire de l’Entente, de récupérer certains territoires, comme le Trentin au nord-est de l’Italie. La ligne de front décrit un vaste arc de cercle entre la Suisse et la mer Adriatique. Elle passe par un vaste massif montagneux : les Dolomites. Partant du vieil adage que celui qui tient les sommets tient les vallées, les troupes de montagne italiennes, les alpinis et les kaiserjäger autrichiens vont se disputer les sommets calcaires des dolomites, dont certains dépassent 3000 mètres d’altitude.

    JPEG - 74.9 ko
    Les Tre Cime de Lavaredo depuis le refuge Auronzo (photo Pat Laf.)

    Entre 1915 et 1918, de nombreux aménagements vont être réalisés afin de gagner les sommets ou les cols par les lignes de faiblesses des vertigineuses parois de calcaires : les via ferrata sont nées. Échelles de bois, de fer, barreaux métalliques, cordes et câbles sont mis en place. L’engouement pour ses passages pour appentis alpinistes sera redécouvert dans les années 80. De nombreux itinéraires ferrés seront alors ouverts dans les Alpes françaises ou les Pyrénées. Mais revenons aux Dolomites ... Certains vestiges de via ferrata de la première guerre sont encore visibles, et peuvent même être empruntés comme la fameuse ferrata Lipella à la Tofana di Rozès.

    JPEG - 25.7 ko
    Position autrichienne à la Tofana di Rozes ( photo Il Fronte Dolomitico)

    Des épisodes moins visibles vont également se dérouler dans les Dolomites. En effet, difficile de déloger les soldats retranchées sur les sommets ; il y a certes l’artillerie, mais encore faut-il pouvoir hisser les canons aux emplacements permettant le tir ... Ici aussi, il va falloir utiliser les ancestrales techniques de la guerre de siège. Ainsi, entre le Col di Lana et le Monte Groce, la guerre souterraine, aura lieu ... en altitude ! Italien et Autrichiens vont à grand renfort de tunnels et de mines, se livrer une guerre féroce pour la possession des sommets. Monte Lagazuoi, Cinque Torri, Drei Zinnen, Monte Popera, la liste est longue pour ces endroits où les explosions vont re-dessiner les sommets.

    Rien qu’en face sud du pic Lagazuoi, plus de 10 galeries vont être percées, les explosions, tantôt italiennes, tantôt autrichiennes vont ainsi se succéder à bon rythme jusqu’en 1917.

    JPEG - 54.6 ko
    La première explosion de mine au pic Lagazuoi (photo Il Fronte Dolomitico)

    Ici comme dans les Flandres, cette guerre d’un autre âge ne sera pas décisive ; elle n’aura comme seul effet de consommer de trop nombreuses vies humaines...

    Merci à Enrico, webmaster du très complet site Il Fronte Dolomitico pour la mise à disposition des photos d’époque.

    2Les dardanelles2

    Enfin, pour achever cette présentation sur les opérations souterraines hors de France, on se doit de mentionner les travaux réalisés sur le front oriental, et plus particulièrement à Galipolli.
    La péninsule de Gallipoli est une bande de terre longue d’environ 50 kilomètres constituant la rive nord du détroit des Dardanelles. Ce détroit est un endroit stratégique puisque faisant communiquer la méditerranée avec la mer noire via la mer de Marmara. Un affrontement avec l’empire ottoman, allié de la Triple Alliance était inévitable.

    Les combats sur la péninsule de Gallipoli font suite au débarquement des ANZAC en avril 1915. Cette opération terrestre s’inscrit dans le cadre plus vaste de l’opération des Dardanelles dont un des objectifs était de contrôler la mer de Marmara et s’emparer d’Istambul. Cette campagne, et surtout la bataille navale du détroit des Dardanelles, fut loin d’avoir le succès escompté.
    Débarqué à l’ouest de la péninsule, les troupes du Commonwealth ne purent s’emparer de l’ensemble de la péninsule ; ils furent fxés par les troupes de l’empire Ottoman à quelques kilomètres de la côte.
    Ici comme en France, la guerre de position prit le pas sur la guerre de mouvement.
    La guerre de mines eu lieu en plusieurs points de la péninsule. Celle qui se déroula au Quinn’s post reste l’une des plus marquantes de cette région.

    JPEG - 59.2 ko
    Officier australien devant le débouché d’un tunnel. (Coll. Australian war museum)

    Dès mai 1915, les Turcs vont pousser des galeries de mines sous les défenses australiennes. Les tunnellers répliqueront immédiatement et finiront par prendre l’avantage en juin et le garder durant tout le conflit.
    Au final, plusieurs kilomètres de galeries furent creusées et près de 50 mines anglaises mises à feu sous les lignes turques.

    On trouve sur le site de l’australian war museum, une série de cartes sur les tunnels du Quinn’s post.
    Pour une étude précise des épisodes de guerre de mines sous la péninsule de Gallipoli, et plus particulièrement au Quinn’s post, on consultera le très bon ouvrage (en langue anglaise) de Peter Stanley : Quinn’s Post - Anzac, Gallipoli.


    • Messages publiés : 1 (triés par date)
    •   1 -

      6 janvier 2009 11:57, par Delacruz

      Bonjour, monsieur Eric,

      En premier lieu je vous adresse mes félicitations pour votre site qui vulgarise, dans le meilleur sens du terme, des épisodes peu connus de ce bienheureux conflit qui assure un fond de commerce à tant d’historiens. Secondement, je vous fais une remarque sur la méthode d’extraction dite clay kicking : elle me rappelle beaucoup celle qu’utilisaient les mineurs en argile provinois qui, à peu près à la même époque, découpaient des blocs de 25 à 30 cm de côté avec une "truelle", sorte de bêche à fer elliptique affilé sur son pourtour et à double poignée. Mais ce procédé ne trouvait son efficacité qu’avec des argiles grasses, les argiles maigres, trop friables, n’étant extraites au mieux qu’à la pioche et à la pelle. (Source : Mineurs en argile, éd. Commune libre de Provins.) Apparemment, les argiles belges appartenaient plutôt à la première catégorie, mais les Allemands avaient-ils plus l’habitude des argiles de la seconde sorte ? Ignorant la géologie germanique, je ne peux en dire plus.

      Acceptez l’expression de toute mon admiration,

      JPDelacruz