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    Un abri-tunnel sur les contreforts du Chemin des Dames

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    mardi 31 juillet 2007, par Eric L.

    Les contreforts du chemin des dames sont truffés de souterrains, les fantassins français l’apprendront à leurs dépend lors des offensives d’avril 1917. Des centaines de creutes, des milliers d’abris et de sapes s’ouvrent sur les pentes boisées en bordure du plateau du Chemin des Dames.
    Le secteur de Chavonne n’échappe pas à la règle : Les Grinons, le Mont Sapin, le bois des bovettes sont autant de zones "truquées" qui sont mentionnées dans les historiques régimentaires et dans lesquels se sont enterrées les troupes allemandes en attendant l’offensive du 16 avril 1917.

    2Le secteur dans les offensives d’avril 1917 :2

    Le secteur situé entre Vailly-sur-Aisne et Soupir doit être pris et tenu par les 56ème et 127ème divisions d’infanterie. De gauche à droite pour les principales unités :

    — le 355ème RI avec pour objectif le Panthéon et la Malmaison via la Cour-Soupir et Ostel.

    — le 172ème RI, appuyé par les 27ème et 29ème Bataillons de Tirailleurs Sénégalais qui doit marcher vers la ferme de la Cour-Soupir.

    — le 106ème RI qui a comme objectif la Croix sans tête.
    Prennent également part aux combats les 25ème et 29ème Bataillons de Chasseurs à Pieds.

    En face, la 25ème division de Landwehr et la 183ème division d’infanterie de la VIIème armée de Von Boehm ont longuement préparées les lignes de défense, en profitant au maximum des escarpements et des abris centenaires que représentent les creuttes soissonnaises.

    Voici quelques extraits de l’Illustration du 12 mai 1917 relatant, dans un élan patriotique, les offensives d’avril 1917 entre Vailly-sur-Aisne et Braye-en-Laonnois :

    [* [|LES FALAISES DE L’AISNE, 12 MAI 1917|]

    [|LA PRISE DES TROIS EPERONS : LES GRINONS, LE MONT SAPIN, L’EPERON DES GOUTTES D’OR.|]

    Le récit qu’on va lire raconte le détail des combats qui se sont livrés, depuis le défilé de Vailly jusqu’au vallon de Braye-en-Laonnois, le 16 et le 17 avril. Depuis cette date, nos progrès dans cette région se sont encore élargis. Successivement, nos troupes ont occupé Ostel, Aizy, Jouy et Laffaux. […]

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    Sur un front de près de 8 kilomètres, deux divisions du ...’ corps d’armée viennent de débusquer l’ennemi des lignes formidables qu’il occupait dans les falaises de l’Aisne, depuis le défilé de Vailly jusqu’au vallon de Braye-en-Laonnois ; elles l’ont contraint, ensuite, à reculer eu désordre sur profondeur moyenne de 4 à 5 kilomètres, jusqu’à une ligne de repli, dès longtemps préparée, mais qui, elle aussi, sera un jour battue, assaillie, emportée.
    […]
    Les falaises de l’Aisne ont, de Vailly au canal de l’Aisne à l’Oise, trois sortes de caps, trois éperons boisés, trois véritables redans, les Grinons, le mont Sapin, le bois des Gouttes d’Or.
    Les Grinons commandent la cuvette de Chavonne. Le mont Sapin et les Gouttes d’Or forment l’entrée du golfe du ravin de Soupir et de la Cour Soupir. Par les pentes Est, le bois des Gouttes d’Or commande, en outre, l’espèce de cirque marécageux et boisé dont Braye-en-Laonnois occupe le centre et que traverse du Sud-Est au Nord-Ouest le canal de l’Oise, avant de disparaitre dans le tunnel qui, de l’autre côté du plateau de Chevregny, le fait déboucher dans Ia vallée de l’Ailette.
    Maitriser, saisir ces premiers points d’appui, fut l’affaire des journées du 16 et 17 avril.

    [|LES GRINONS ET CHAVONNE|]

    L’attaque des Grinons et de Chavonne fut menée par un régiment qui, en mars, avait déjà combattu sur l’Aisne. Son passage rapide de la rivière par des moyens improvisés (pont maintenu sur l’eau par des barriques et de vieux bidons de pétrole) avait alors été pour beaucoup dans le gain des combats de Chivres et de Missy. Le 16 avril, à 6 heures du matin, en partant pour l’attaque, et de il était plein du même esprit de courage, de décision. Et dans les ruines de Chavonne, sur la crête des Grinons, pendant trois jours terminés par une poursuite de grande envergure, il se montra égal à lui-même au milieu des combats les plus acharnés.
    […]
    Maitrise précaire, cependant, car l’attaque de la crête des Grinons avait été plus longue, et, dans tout ce qui restait des rues, des nappes de balles arrivaient, venant de cette crête terrible. A midi, malgré les efforts du bataillon grimpant à l’assaut de ce côté-la, malgré les mitrailleuses éteintes par le feu de nos propres mitrailleuses, malgré les prisonniers capturés et l’ardeur de la lutte, l’ennemi tenait toujours.
    […]
    On se battait au Nord des ruines, près du cimetière, dans la tranchée « Deutscher Friede » , où quelques-uns de nos éléments avancés avaient pris pied. L’ennemi s’infiltre, utilisant mieux que ne pouvaient le faire les nôtres le dédale des boyaux qu’il avait construits, les ruines dans lesquelles il avait si longtemps vécu. A Ia nuit, après des pertes sévères, il avait, repris pied dans la partie Nord du village.
    […]
    Le lendemain 17, l’opération fut reprise sur le sur le sommet des Grinons et s’exécuta à 17 h. 30. Un travail d’artillerie intense l’avait préparée. Quelques creutes même avaient fini par être percées à jour par des obus de gros calibre qui, au dire des prisonniers capturés, avaient eu le bon résultat de frayer le chemin aux obus plus légers et de leur permettre de cribler de leurs explosions le fond même de ces creutes inaccessibles.
    […]

    [|LE MONT SAPIN|]

    Aller directement au mont Sapin depuis l’ancienne ligne française est une véritable petite ascension. La pente est presque à pic, glissante, ravagée. On s’essouffle devant trop d’obstacles. On n’a l’impression de ne pas avancer tant il faut longtemps avoir devant soi cette petite montagne couverte de taillis enchevêtrés et creusée, travaillée, pleine de débris tragiques. Cette ascension, un bataillon de chasseurs la fit le 16, à 6 heures. Les affreuses difficultés du terrain ralentirent bientôt son élan.
    […]
    Il avança, poussant sur sa gauche du coté des Grinons et sa droite sur les carrières souterraines de la Cour Soupir pour essayer de lier sa ligne à celles des régiments voisins. Ce fut sur cette position qu’il dû s’arrêter et se préparer à recevoir les contre-attaques rendues certaines par le fait que le Mont Sapin était la clef de voute de toute la nouvelle ligne française. Des la journée du 16, à 21 heures, une première tentative allemande étai dirigée contre le mont Sapin. Plus de grenades à main, plus de grenades à fusil, les combats du matin avaient vide toutes les musettes. Heureusement, nos hommes avaient découvert un peu partout, dans les abris, les sapes, les carrières les approvisionnements de grenades ennemies.
    […]
    Dans les sapes abandonnées, tout traine à l’abandon. On trouve du coté de Vailly le repas de toute une compagnie, servie dans des assiettes, entamé et brusquement laissé tel quel sur les tables. Un chef de bataillon a abandonné son logis en y oubliant tous les documents de son secteur. Chez un vaguemestre, on a découvert un important courrier complet : le courrier d’arrivé d’un coté, le courrier de départ de l’autre, le tout classé fort minutieusement et fort paisiblement aussi, sans doute jusqu’à la minute où ce vaguemestre s’éclipsa, atterré, lui aussi, de savoir que les Français avaient fini par prendre pied sur les falaises de l’Aisne, qu’ils approchaient et qu’enfin, à la suite de combats tenaces et de quelques manœuvres heureusement liées, ils venaient de rendre impossible à tenir tout ce grand redan fortifié qui, ayant sa base au Moulin de Laffaux et au Chemin des Dames, avait, il y a quelques jours encore, son sommet au fort de Condé.
    *]

    2Un ouvrage bien discret ...2

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    Une des entrées du tunnel

    Après cette description des combats, revenons à l’abri-tunnel proprement dit ....
    En faisant le tour des JMO des différents régiments, on s’aperçoit bien vite que le lieu n’est mentionné nul part, ni même sur les cartes de tranchées du secteur ...
    Ce dernier élément est surprenant, ces cartes étant généralement très détaillées, même si de nombreux exemples prouvent que l’exhaustivité en matière de souterrains n’était pas envisageable même sur les cartes les plus précises au 1/5000ème.

    Et que dire de l’entrée principale ... Une ouverture en ogive de 0,7 mètre de large par 1,4 mètre de hauteur, le tout bien caché le long d’un affleurement calcaire. Il s’agit de la seule entrée "de plein-pieds" dans l’ouvrage, les autres accès se faisant par des escaliers depuis le plateau.

    2Ce souterrain soulève bien des questions ...2

    Et la première d’entre elles : son origine est-elle allemande ou française ...

    Premier élément : cet ouvrage souterrain n’est pas une ancienne carrière de pierre à bâtir ni un troglodyte de part sa forme.
    Alors un souterrain-refuge antérieur à la première guerre mondiale ? Il y a très peu de chance, sa typologie ne ressemble pas non plus à ce type d’ouvrages ni même les aménagements retrouvés sur place.

    Reste alors l’abri anthropique spécifiquement creusé durant le premier conflit mondial ... Quant à son origine ?

    — Française ? Peu probable car dans ce cas, quel aurait été son utilité dans la mesure où 48 heures après le début de l’offensive Nivelle, le front était déjà fixé plus au nord ?

    — Allemande, très certainement même si, situé au niveau des secondes lignes, il n’avait pas un rôle stratégique majeur. Mais alors, l’entrée à flan de colline présentée ci-dessus était tout à fait visible des positions françaises car située sur un coteau exposé au sud. N’importe quel mouvement de troupe aurait été visible ? Sauf, si cette entrée était camouflée et n’étaient utilisées que les escaliers débouchant dans les boyaux du plateau ?
    Alors, ce tunnel constituait t’il une position complémentaire aux creuttes voisines visant à contrôler une des deux seules routes permettant d’accéder à cette partie du plateau ?

    Les rares témoignages lapidaires retrouvées sur place n’ont pas permis de trancher catégoriquement. Une date "1846" (ou 1816 à l’origine. Le "1" ayant quelques années plus tard été retouché en "4") gravée dans un moellon fait plutôt penser que les pierres utilisées pour les aménagements intérieurs proviennent des ruines des villages voisins.

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    1816 / 1846 ? (ph. JFW)

    2La visite :2

    Passé l’entrée décrite plus haut, c’est une belle galerie ogivale qui nous mène dans une première salle. Quelques mètres plus loin l’abri en lui même. Oh, pas de risque de se perdre, l’ensemble de l’ouvrage totalise tout au plus ... 150 mètres de galeries.
    De nombreux aménagements ont été réalisés sous forme de murs en moellons calcaire maçonnés. Ils ont permis de créer de petites salles dont la plus grande fait environ 15m².

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    Galerie de sortie sur-creusée (ph. JFW)

    Comme dans beaucoup d’abris ou de creuttes de la région, plusieurs sorties ont été ré-aménagées durant la première guerre. 3 escaliers ont ainsi été forés dans la roche et les couches supérieures de caillasse et de terre. Ces escaliers permettaient de gagner les lignes ou les boyaux d’accès tout en restant à l’abri des projectiles. Actuellement une seule sortie reste encore praticable, bien que partiellement obstruée et permet, via un puits d’environ 3 mètres, de déboucher sur le plateau.
    Les autres sorties ne débouchent plus à la surface ; les escaliers sont également partiellement comblés.

    Lors de la visite, nous avons retrouvé pas moins de 10 excavations de 20cmx20cm et d’une profondeur d’environ 60cm qui pourraient, pour certains faire penser à des fourneaux de mine. Leur emplacement à proximité immédiate de deux des trois sorties sur-creusées, pour la moitié d’entre eux pourrait confirmer cette hypothèse.

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    Un des possibles fourneaux de mine (ph. JFW)

    On trouve aussi la présence d’isolateurs téléphoniques placés en hauteur dans les principales galeries.
    Il est intéressant de noter que mis à part deux dates gravées dans les moellons de calcaire et une petite signature illisible, aucune autre inscription n’a été notée dans cet ouvrage. Sans en faire une généralité, car il existe des contre-exemples comme à Colligis, les troupes allemandes ont laissé beaucoup moins de témoignages lapidaires que les forces alliés dans les cavités occupées. Un élément, certes discutable, pouvant venir appuyer l’hypothèse concernant l’origine de ce tunnel abri ?

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    Intersection au débouché d’une des sorties

    La topographie réalisée en 2007, permet de donner une idée de l’agencement de ce petit ouvrage.

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    Topographie sommaire du site

    Certes, la visite de ce souterrain peut se faire en moins de 10 minutes, mais il n’en demeure pas moins intéressant. De plus, en ressortant à l’air libre, il n’y a que quelques centaines de mètres à faire à pied pour trouver d’autres abris, d’autres creutes, d’autres vestiges qui feront pour certains l’objet d’articles sur ce site.